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Arles 2025. Kourtney Roy, La Touriste
Des photos, une vidéo. Tout est bizarre dans les outrances de cet autoportrait aux couleurs éclatantes des années 70-80. Une exposition, in fine, très juste.

On ne sort pas indemne de « La Touriste » exposition en trois salles dans l’ Ancien collège Mistral d’Arles à l’occasion des Rencontres photographiques. Entre fou rire et franc mal à l’aise, on retrouve toutes les marques de fabrique de Kourtney Roy, née en 1981 au Canada, vivant et travaillant à Montreuil. Tout est méticuleusement composé dans son monde. Où se trouve le réel ? Tout est familier mais étrange. Avec Martin Parr qui photographiait des touristes sur les plages anglaises ou à Venise nous souriions, car nous étions en terrain connu. Ici l’autoportrait change la perspective. Dans cette œuvre élaborée en 2019 et 1020, l’étrange devient vite familier.
L’exposition rassemble des clichés pris en des lieux très différents, avec beaucoup d’instantanéité, en fonction à la fois de l’environnement et du sujet. La méthode de l’artiste est constante : elle voyage avec des perruques, des maquillages, des habits d’occasion pleins son coffre de voiture. Souvent sans assistant, elle utilise les ressources locales pour construire des situations peu probables aussi importantes que la réalité.
Prenant l’identité d’un autre, telle une actrice ou une performeuse, elle construit des situations et y intègre du bizarre avec du pastiche, des couleurs éclatantes, en se référençant à l’histoire des images. Avec la Touriste elle conçoit un glamour déstabilisant et faisant rire jaune : le masque de plongée au-dessus d’une bouche d’où pend une cigarette, des talons hauts sur des bords de piscine glissants, un simulacre de sirène avec un requin baudruche, etc.
L’artiste crée une métaphore visuelle d’un monde que nous croyons connaître et non un documentaire de l’étrange comme le fait Martin Parr. Son monde des rêves devient une réalité dans laquelle chaque visiteur pourrait être acteur ou témoin. Il plane une tension entre le clin d’œil spirituel et l’atmosphère sinistre, la convention et le bizarre, le chic et le toc. Avec ses parodies, elle actualise la figure de Pantagruel dans le monde des loisirs et de la consommation.
Si généralement les photos éliminent les déceptions et inventent des plaisirs de vacances décevants et par là sont si importantes, Kourtney Roy inverse le rituel du souvenir photographique et, avec son glamour, plonge dans un univers bien plus proche de l’expérience réelle.
Le titre des Rencontres photographiques 2025 est « Images indociles ». Les photos de Kourtney Roy en font partie, sans nul doute.
Jean Deuzèmes