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Arles 2025. Brésil entre indocilité et radicalité



Futurs ancestraux. Les nouveaux photographes brésiliens utilisent des langages particulièrement incisifs. Ils illustrent bien le titre des Rencontres d’Arles 2025 : Images indociles

« Images indociles » est le titre donné aux Rencontres photographiques d’Arles 2025. Un titre pertinent, rebelle de facto face à la montée des nationalismes, à l’effacement des mémoires et des identités, à la réécriture de l’histoire, aux crises environnementales.

Il a aussi été choisi comme un défi à Trump ! Et à bien d’autres qui, bien sûr, ne viendront pas voir les travaux de photographes offrant un contrepoint aux discours dominants, célébrant la diversité des cultures, des genres et des origines.

Dans l’année France-Brésil, les photographes exposés à l’église des Trinitaires méritent bien une telle attribution.

Le titre choisi pour l’exposition de l’église des Trinitaires « Futurs ancestraux » rassemble avec pertinence des œuvres très diverses. Cet oxymore exprime la vitalité de la scène brésilienne, célébrée à l’occasion de l’année culturelle du Brésil en France.

Avec une ironie certaine et une imagination radicale, les photographes retenus ont cherché à déconstruire les récits officiels, à lutter contre les stéréotypes, à donner de la voix aux minorités ethniques ou de genre, voire à contester la pratique photographique occidentale.


Mayara Ferrão

Mayara Ferrão. Album de désoubli, 2024,© J2M, dr

Née en 1993, elle fait partie des nombreux artistes LGBT+ qui questionnent l’histoire de la photographie construite par des Blancs de culture patriarcale. Ces Blancs n’auraient jamais émis l’hypothèse d’amours entre femmes dans les milieux d’esclaves. Avec « Album de désoubli » (2024), elle réactualise la tradition de la carte postale, mais en utilisant l’IA. Alors que l’on dénonce l’usage de l’IA, la plasticienne a retourné la critique en lui posant la question de concevoir deux femmes s’aimant dans les années 1920-30, habillées avec soin, y compris robes de mariage, et a développé ses photos comme à l’époque.

Mayara Ferrão. Album de désoubli, 2024,© J2M, dr

Bien sûr la critique n’a pas manqué. Les photos étaient trop romantiques !
D’autres questions sont soulevées par ces œuvres fabriquées par l’IA.
• Efficacité politique. L’IA fait partie des outils utilisés par le trumpisme, dans des croisades anti-woke, des champs génériques de bataille des discours historiques. C’est ici que sont utilisées les représentations des minorités et de leur inclusivité. Or en les fabricant par l’IA, les auteurs peuvent ne pas montrer les vraies images de la domination. En jouant sur l’ironie émotive, au deuxième degré, ces images n’imposent-elles pas l’idée de noirs heureux dans les plantations, qui remontraient au premier degré ?
• Création du doute. La production avec des tels détails réalistes, d’images créées par l’IA ne troublent-elles pas la limite entre le vrai et le faux, en introduisant un doute historique puisque l’image est considérée comme une preuve plus irréfutable que le récit ?


Paulo Nazareth

Paulo Nazareth, Des nouvelles de l’Amérique ©J2M.dr

Né en 1970, il a vécu l’expérience de l’enfermement en établissement psychiatrique pour avoir dénoncé des injustices. Sa lutte contre le racisme et le classisme dans le monde de l’art sont au cœur de sa pratique comprenant des performances, relatées dans sa série « Des nouvelles de l’Amérique ». Il se contente de poser avec des écriteaux seul ou en groupe, pour y dénoncer les préjugés du spectateur.
Ainsi, il se tient à côté d’une porte sur laquelle est inscrite une phrase liée à des affaires locales. « Pas à vendre. Méfiez-vous des escrocs ». Mais le panneau qu’il porte est différent : « Je vends mon image d’homme exotique ».

Paulo Nazareth, Des nouvelles de l’Amérique ©J2M.dr
Paulo Nazareth, Des nouvelles de l’Amérique ©J2M.dr

Ou encore cette photo de groupe et cette phrase simple et forte « Je n’aime pas les mauvais mots sur les indigènes. Signé le Peuple indigène »


Melissa de Oliviera
Née en 2000, elle aborde la question politique ou sociale portée par la question des cheveux ou des coiffures. C’est ainsi qu’au Brésil, les cheveux frisés sont un motif de discrimination, car ils donneraient un aspect négligé. Au XIXe, les photographes blancs cataloguaient des populations entières par les cheveux, contribuant ainsi au racisme.

Dans « Chaque tête est un monde » l’artiste célèbre l’identité de sa génération, avec des coiffures qui expriment l’admiration pour une chanteuse ou un footballeur. Chaque tête devient un message crypté qui combine les cultures contemporaines et traditionnelles, qui exprime des identités individuelles et fait de la résistance.


Ventura Profana

Née en 1993 à Catu, elle est une figure forte de l’indocilité, en tant que créatrice et au travers de ses œuvres. Elle aussi refuse le regard blanc colonial, mais elle déplace sa critique sur la spiritualité. Elle a conçu ses œuvres par collages durant la période du Covid en associant la pandémie à l’histoire des invasions et des oppressions. De confession baptiste missionnaire, performeuse, chanteuse et pasteure transgenre, elle prône un Jésus libertaire et figure d’amour. Dans la série Sonda [sonde], elle revisite l’iconographie religieuse pour « scruter les chorégraphies de l’ennemi ». Sa posture de vigoureuse critique idéologique explose. Elle affronte le néopentecôtisme dans la politique brésilienne, représenté par un Christ rédempteur prisonnier et entouré d’hommes blancs en costume mimant tantôt la bénédiction, tantôt le port d’armes, tantôt des saluts reconnaissables. Les navires portugais qui envahirent le Brésil au XVIe siècle se muent en chars militaires des Etats-Unis. Les anges de l’apocalypse, au lieu de l’encens, apportent le virus du Covid depuis l’Occident, dans leurs calices. Notre Dame en feu est survolée par un avion de guerre.

Jean Deuzèmes

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